En guise de préface:

Où est-ce que Georg Wilhelm Friedrich Hegel s’est prononcé sur les allemands?

Il y a deux endroits significatifs:

1) dans ses: Leçons sur l’histoire de la philosophie (in: Hegel, Werke Bd. 20, S. 120)

“Autant l’allemand est servile d’une part, d’autant plus effrené est-il de l’autre; étroitesse d’esprit et démesure, l’originalité, voilà l’ange satanique qui nous frappe de ses poings.”

2) dans son: Encyclopédie des sciences philosophiques en précis, § 394; addendum (in: Hegel, Werke Bd. 10, S. 68 f.)

S’agit-il là vraiment de propos d’un maître-penseur de l’impérialisme allemand qui propage la supériorité de la race germanique?


Comme le terrain philosophique que je me propose d’aborder me paraît piégé de beaucoup de mines idéologiques, avant d’y entrer je voudrais d’abord le déblayer un peu, pour ainsi dire, en vous présentant un exemple typique de la façon dont ont toujours procédé et procèdent jusqu’à présent les vilipendeurs de Hegel, dont l’exemple le plus prominent a été Sir Karl Popper. Ils s’obstinent pour des raisons dont l’analyse reste à faire, de le présenter comme le maître-penseur du racisme et de l’impérialisme allemand avant la lettre, en lui mettant dans la bouche des propos qu’il n’a jamais avancés et en recelant tous ceux de ses textes qui ne se conforment pas à leurs préjugés. Si je prends comme exemple ici un auteur nommé Marc Crépon, ce n’est pas par une rancune quelconque, car personnellement l’auteur m’est totalement inconnu. Comme les exemples de ceux qui emploient la même méthode que lui abondent, c’est pour moi un nom parmi tant d’autres. Pour des raisons de référence scientifique je suis pourtant forcé de le mentionner ici. De toute façon, celui qui publie un livre le fait toujours au risque de s’exposer à la critique, et, dans le meilleurs des cas, cela peut même mener à un dialogue fructueux.

Marc Crépon dans son livre “Les géographies de l’esprit” (Payot, Paris 1996) dit en page 360 que chez Hegel:

“ …Cette nature [de l’homme] n’est certes pas biologique, elle n’est pas essentielle, inscrite physiquement à l’intérieur de l’homme; mais son extériorité est déterminante <sic!>, puisque sa négation est fonction de sa puissance. Cette détermination peut bien être, Bernard Bourgeois l’explique avec force [cf. Bernard Bourgeois, "Histoire et géographie, le destin de l’inhumain chez Hegel", in: "Études hégéliennes. Raison et décision. Paris, PUF, 1992] intériorisée et pas simplement extérieure; néanmoins la capacité des peuples à surmonter cette base géographique et à rentrer dans l’histoire universelle est toujours <sic!> fonction de cette base…”

Et en page 361 il poursuit:

“ …Surtout, l’écart entre l’Afrique et l’Europe se manifeste dans la différence des degrés de particularisation de l’esprit-nature.”

 Eh bien, tandis que pour Hegel l’esprit est l’opposé de la nature et c’est en vertu du long processus historique de sa formation qu’il arrive à la pensée du singulier dans la forme de l’universalité en prenant conscience que l’être humain vaut ainsi parce qu’il est un être humain, non pas parce qu’il est italien, chinois, catholique, protestant, juif ou nègre, Crépon fait ici un amalgame entre les deux notions et crée un terme absolument étranger à la pensée de Hegel,[^1] celui d’un ‘esprit-nature!’ Mais il y a mieux encore, Crépon affirme que:

“Dans l’exposé de Hegel, l’Afrique en reste à la détermination de la race <sic!>, tandis que ces différences universelles que sont les distinctions raciales connaissent, dans le cas de l’Europe, une particularisation plus poussée: la diversification de la race en une pluralité d’esprits nationaux…”

Or, dans le même § 393 de Encyclopédie des sciences philosophiques auquel Crépon se refère, Hegel affirme que:

“Par rapport à la différence des races humaines il faut noter d’abord qu’en philosophie la question purement historique, à savoir si toutes les races humaines dérivent d’un seul couple ou de plusieurs, ne nous concerne pas du tout. On a attribué à cette question une telle importance, parce qu’en supposant une ascendance de plusieurs couples on croyait pouvoir expliquer la supériorité d’une espèce humaine sur l’autre, ou même on espérait prouver que les êtres humains sont par leur facultés intellectuelles d’une nature tellement différente, que certains d’entre eux peuvent être dominés comme des animaux. Il est pourtant inadmissible de fonder le droit ou le refus du droit des hommes à la liberté et à la domination sur l’ascendance. L’être humain en soi est doué de raison; c’est en cela que réside la possibilité de l’égalité du droit de tous les hommes - la nullité d’une différenciation fixe entre des espèces humaines douées de droits et des espèces qui en sont privées.”

Comme on voit, Hegel refuse de parler de ‚races humaines’ dans le sens biologique du terme, et, comme Herder, préfère de parler d’espèces. Car, comme il dit à un autre endroit: “L’égalité se base sur la comparaison d’un grand nombre, mais ce grand nombre, ce sont des êtres humains, dont la détermination ultérieure est la même, la liberté.”  (Leçons sur la philosophie de l’histoire, page 525 du tome 12 des œuvres complètes dans l’édition allemande). Être déterminé par la race ou être déterminé pour la liberté, ce serait une seule et même chose?

La question qui se pose donc ici, c’est de savoir: Dans lequel de ses écrits pourrait-on trouver un passage où Hegel, l’auteur d’une Science de la logique, se serait permis de produire un tel contre-sens que de parler d’un continent (l’Afrique) qui en reste à la détermination de la race? Imagine-t-on une race capable de déterminer un continent? Mais même le propos inverse ne se trouve pas chez Hegel, bien qu’on l’affirme si souvent, à savoir qu’une race (celle du nègre) en reste à la détermination de son continent, l’Afrique. Car dans l’addendum au § 393, c’est-à-dire au paragraphe qui précède celui que Marc Crépon cite ici lui-même, et qu’il ne peut donc pas avoir ignoré, Hegel a écrit: “On ne peut pas leur dénier la capacité de se former; non seulement ils ont adopté par ci ou par là les principes du christianisme et ont parlé avec émotion de la liberté acquise par le moyen de ceux-ci après des années de servitude spirituelle, mais en Haiti ils ont même formé un état selon des principes chrétiens.”  Selon Hegel les nègres ont donc été en mesure d’arriver à un stade de l’évolution sociale et politique qu’au grand regret du philosophe de l’histoire les allemands n’ont jamais été capables d’atteindre! Mais là aussi, nous voyons Crépon nous receler les textes hégéliens en question. Car en effet s’il parle en page 361-362 in extenso de l’addendum au § 394 de l’Encyclopédie des Sciences Philosophiques de Hegel et de ce que celui-ci dit dans ce paragraphe à propos des Italiens, des Français et des Anglais, soudainement il s’arrête là et ne nous siffle mot de ce que Hegel y dit sur les Allemands (voir le passage cité in extenso plus haut)! Pourtant Marc Crépon arrive, on ne sait d’abord pas exactement comment, à la conclusion étonnante que voici :

“Et les Allemands ? La place que Hegel réserve à l’Allemagne, et donc à l’esprit allemand, dans le cours de cette histoire de l’Esprit, est considérable. Dans le monde moderne, l’Allemagne est effectivement en charge de l’Esprit du monde.”

Comment cela? Si Hegel dit à la fin du même paragraphe dont le début sert de base à l’argumentation de Marc Crépon, que “les allemands sont tombés dans un ridicule qui en Europe ne trouve un parallèle que dans la manie des espagnols de s’attribuer une longue liste de noms”  - devons nous croire que c’est ce même peuple-là qui serait selon Hegel “effectivement en charge de l’Esprit du monde” ? Et bien, nous voilà en effet en présence d’un tour de passe-passe typique de ceux qui comme entre autres Sir Karl Popper essayent de faire Hegel dire ce qu’il n’a jamais dit, avec le seul but de prouver qu’il était le maître-penseur de l’impérialisme allemand, de l’empereur Guillaume II jusqu’à Hitler! D’un auteur qui est sérieux dans ses recherches on aurait dû s’attendre qu’il poursuive son analyse du paragraphe en question jusqu’à sa fin, c’est-à-dire qu’il tienne compte du passage même où Hegel parle des allemands, et dont nous avons présenté le texte intégral plus haut. Mais, puisque celui-ci ne s’accorde en rien avec la thèse qu’il veut prouver, Crépon l’esquive et saute tout d’un coup à un passage qui se trouve dans un tout autre livre de Hegel, nous allons voir lequel, d’où il nous sort la citation suivante :

“Il leur [les peuples germaniques] fut imposé comme mission non seulement de détenir pour le service de l’esprit de l’univers l’idée de la vraie liberté comme substance religieuse, mais encore de la produire en liberté dans le monde en le tirant de la conscience subjective de soi-même.”

Mais où Crépon a-t-il donc pu puiser l’idée que pour Hegel, quand il parle des peuples germaniques, il y est question de l’Allemagne? Avant d’en chercher la réponse, voyons d’abord quelle était l’opinion de Hegel sur cette Allemagne qu’il aurait mise, à en croire Crépon “effectivement en charge de l’Esprit du monde!” Voyons l’image qu’il en donne dans sa critique des :

“Débats de l’assemblée des états du royaume de Württemberg dans les années 1815 et 1816,”

c’est-à-dire dans une critique que Hegel a écrite à Heidelberg dans la même période où il a donné ses cours sur la philosophie de l’histoire dans lesquels Crépon a puisé sa citation sur la mission des peuples germaniques.1 Il faut noter qu’avant d’arriver à son jugement sur l’Allemagne en tant que telle Hegel parle d’abord de sa province natale, le Württemberg, et on verra pourquoi:

“Le temps était venu où s’imposait au Württemberg une nouvelle mission et l’exigence de l’exécuter, la mission d’ériger les contrées du Württemberg en état [politique]. Après que l’insanité de l’institution qu’on appelait empire allemand et qu’un historien plein d’esprit avait tout à fait correctement appelé la constitution de l’anarchie, ait trouvé la fin dérisoire qu’elle avait méritée, une fin qui lui était adéquate aussi par la forme extérieure dont elle s’est produite, le Württemberg d’autrefois ne fût pas seulement agrandi du plus du double de son territoire précédent, mais cette entité, dont les parties avaient été jusqu’alors des fiefs de l’empire allemand, et la partie ayant avant constitué le duché avait été un fief bohémien, se défaisait de cette servitude, acquérit avec la dignité royale du prince la souveraineté et la position d’un état, la position d’un de ces empires allemands effectifs, qui prennent la place de cette absurdité dont le nom d’empire qu’il continuait à porter était devenu vide de sens.”

Et c’est à cette Allemagne, c’est-à-dire à “cette absurdité dont le nom d’empire qu’il avait continué à porter était devenu vide de sens” et qui au temps même où Hegel donnait ses Leçons sur la philosophie de l’histoire avait déjà cessé d’exister comme état depuis une dizaine d’années, c’est à cette Allemagne que le philosophe, nous répétons la question, aurait voulu octroyer, à en croire Crépon, la mission historique de prendre en charge l’esprit du monde? Où est-ce que Crépon veut dire que Hegel, en parlant des peuples germaniques, avait déjà en vue le second empire allemand, fondé par Bismarck en 1871, c’est-à-dire quarante ans après la mort du philosophe?

En cas de doute, pour celui qui possède assez d’esprit critique pour ne pas prendre tout ce qu’un auteur comme dans notre cas Crépon lui propose pour argent comptant, il est toujours utile de revenir aux sources d’un passage cité comme celui qui est en question ici. Examinons donc ce passage dans son contexte :

"L’esprit germanique est l’esprit du monde nouveau, dont le but est la réalisation de la vérité absolue en tant qu’autodétermination infinie de la liberté, de cette liberté, qui a sa forme absolue elle-même comme contenu. La mission des peuples germaniques est d’être le support du principe chrétien.

Le principe de la liberté spirituelle, le principe de la réconciliation, a été mis dans les esprits encore ingénus et crus de [en omettant ce début de la phrase qu’il cite du texte de Hegel, Crépon a été forcé, pour des raisons de grammaire, à en modifier légèrement le reste qui est ici mis en italiques, P.A.] ces peuples, et comme mission au service de l’esprit universel il leur fut imposé de détenir le concept de la vraie liberté non seulement en tant que substance religieuse, mais de produire celui-ci librement à partir de la conscience subjective de soi."

Équation curieuse, si l’on regarde de près: Des peuples (au pluriel) aux esprits encore ingénus et crus [qualifications que Crépon, comme nous l’avons vu, a en effet discrètement omis dans sa citation] égaleraient le peuple allemand ou, mieux encore, l’Allemagne moderne? Afin de résoudre cette énigme, allons voir l’endroit où se trouve ce passage mystérieux dans les écrits de Hegel. Car pour bien en comprendre la signification, on doit examiner, comme on le doit toujours chez Hegel dans des cas pareils, la place précise qu’un tel texte occupe dans l’œuvre en question. Car dans la philosophie de Hegel, dont la pensée se développe dans le cadre de son système, des citations tirées hors de leur contexte ne font pas de sens, comme nous allons bien le voir ici. Dans notre cas, il s’agit des fameuses et auprès de certains gens mal famées Leçons sur la philosophie de l’histoire. Regardons donc l’index de cette œuvre:

Leçons sur la  philosophie de l’histoire

Eh bien, le passage cité par Crépon se trouve en tête de la quatrième partie, c’est-à-dire à l’endroit où Hegel parle non pas des temps modernes, mais de développements historiques qui se sont déroulés juste après l’effondrement de l’empire romain, dans les premiers siècles après Jésus Christ. Il parle donc d’une époque où il n’y avait encore la moindre trace d’un pays qui dans un futur lointain allait s’appeler l’Allemagne. C’est comme si Crépon voulait nous parler de la mission historique d’une nation gambienne ou d’une nation sénégalaise à l’époque de Charlemagne, des nations donc, dont les frontières exactes, comme celles de l’Allemagne d’ailleurs, n’ont été fixées qu’au dix-neuvième siècle. Également nous sommes, par rapport au monde que Hegel appelle le monde germanique, éloignés plus d’une quinzaine de siècles du monde moderne. Et voici le passe-passe hardi de Crépon qui conclut à partir de la phrase qu’il a tirée du texte de Hegel sur les peuples germaniques: “Dans le monde moderne, l’Allemagne est effectivement en charge de l’Esprit du monde.”  Quant à Hegel, lorsqu’il vient à parler des temps modernes dans ses Leçons, ce n’est pas à l’Allemagne figée alors dans son sommeil de la belle au bois dormant qu’il a attribué un rôle historique déterminant, sinon à la Révolution Française, qu’il a exaltée  en ces phrases célèbres (Werke Bd.12, Seite 528):

 “Depuis que le soleil se tient au firmament et que les planètes décrivent leur cercle autour de lui, on n’avait jamais vu que l’homme se mît sur sa tête, c’est-à-dire sur la pensée, et édifiât la réalité d’après celle-ci. Anaxagore avait dit le premier que le noûs [la raison] régissait le monde; mais c’est seulement maintenant que l’homme est parvenu à connaître que la pensée doit régir la réalité spirituelle. Ce fut donc là un magnifique lever de soleil. Tous les êtres pensants ont en commun célébré cette époque. Une émotion sublime a régné en ce temps, un enthousiasme de l’esprit a fait frissonner le monde, comme si l’on était alors parvenu à la réconciliation effective du divin avec le monde.”

Ce qui rend les conclusions hasardeuses de Crépon par rapport aux textes de Hegel dont il nous présente son analyse si significatives et illuminantes, c’est qu’elles montrent comment on peut lire un texte assez clair sans rien y comprendre ou même comprendre le contraire de ce qu’y est dit, tant qu’on reste prisonnier de ses propres idées préconçues, c’est-à-dire de ses préjugés. Alors que c’est Hegel qu’il veut nous présenter comme un raciste, Crépon est tellement fixé sur sa propre terminologie raciste (avec son concept d’une ‘détermination de la race,’ concept qu’il veut imputer à Hegel et qui n’est pourtant rien d’autre qu’un produit de sa propre fabrication), qu’il n’est pas capable de concevoir le terme des ‚peuples germaniques’ d’une façon différente de feu le comte Gobineau ou Richard Wagner ou d’autres précurseurs de l’idéologie nazie, c’est-à-dire qu’automatiquement il identifie ce terme au peuple allemand ou mieux encore, à l’Allemagne. Or à partir de l’index des Leçons sur la philosophie de l’histoire, nous avons pu constater que Hegel, quand il parle des ‘peuples germaniques,’ c’est à des peuples européens ‘aux esprits encore ingénus et crus’ de l’époque précédant l’empire de Charlemagne qu’il se réfère, c’est-à-dire à l’époque qu’on a l’habitude d’appeller l’invasion des peuples barbares. Et en suivant les Leçons chapitre par chapitre, nous voyons l’esprit universel traverser les péripéties les plus diverses, développant dans une quatrième période ses différentes dispositions à travers l’empire de Charlemagne, et, chose curieuse au premier égard, à travers le monde musulman (nous y reviendrons), en passant par le moyen âge (avec les stades du féodalisme, des croisades, et de la transition du féodalisme à l’absolutisme) et les temps modernes (avec le stade de la réforme, celui des conséquences de la réforme et le siècle des lumières) pour en arriver à la Révolution Française, dont Hegel dit, comme nous avons vu, qu’à cette époque “un enthousiasme de l’esprit a fait frissoner le monde, comme si l’on était alors parvenu à la réconciliation effective du divin avec le monde.” Si ce lever de soleil a eu lieu en France et non pas en Allemagne, est-ce qu’il faut en conclure que dans le cadre de la ‘détermination de la race’ préconisée par Crépon les français sont un peuple de pur sang germanique au sens biologique du terme? En principe on aurait même le droit d’y ajouter la question: est-ce que les allemands sont-ils un peuple germanique eux-mêmes, après des siècles de métissage avec d’autres peuples voisins, en particulier avec les peuples slaves? Ce sont pourtant des questions anodines dont on peut bien laisser la peine à Marc Crépon d’y répondre, puisque pour Hegel ce qui détermine le cours de l’histoire en dernier lieu, ce ne sont point les races humaines ou ce qu’on appelle ainsi, mais la conscience qu’ont les êtres humains de la liberté. Selon Hegel, comme nous l’avons vu: “l’être humain en soi est doué de raison; c’est en cela que réside la possibilité de l’égalité du droit de tous les hommes - la nullité d’une différenciation fixe entre des espèces humaines douées de droits et des espèces qui en sont privées.”

Ce n’est donc pas d’un racisme ou d’un chauvinisme d’une sorte ou d’une autre dont on peut accuser Hegel, loin de là. Dans le chapitre sur la physiognomie et la phrénologie de sa Phénoménologie de l’Esprit, c’est lui qui a fourni les arguments philosophiques les plus lucides contre le racisme. S’il y a un reproche à lui faire, c’est d’avoir essayé de donner une interprétation trop schématique du cours de l’histoire qui parfois touche l’arbitraire. On peut bien se demander, par exemple, par quel droit Hegel range le monde musulman, à côté de l’empire de Charlemagne, dans le cadre du monde germanique? En effet il y a eu des arabes qui ont protesté contre cette forme de leur mise en caisse par Hegel en croyant que celui-ci en bon chauviniste allemand voulait les annexer à la race des bêtes blondes chères à Nietzsche! Il ne peut y avoir un malentendu plus loin de sa pensée. Mais, pour donner l’exemple d’un autre auteur d’envergure qui comme Hegel ne se moquait pas mal d’une prétendue ‘détermination de la race’ à la Crépon: Faut-il s’imaginer que Léopold Sédar Senghor, ce grand champion de la francophonie, quand dans son fameux poème Tyaroye il s’adresse aux tirailleurs africains massacrés par des agents de l’armée coloniale française de la façon suivante: “Prisonniers noirs je dis bien prisonniers français / Est-ce donc vrai que la France n’est plus la France?” faut-il vraiment croire que Senghor pensait que les ancêtres de ces victimes nègres du colonialisme français ainsi que les siens étaient des gaulois?

Eh bien, si l’on se met à une recherche méticuleuse dans les vingt volumes des œuvres de Hegel pour voir ce qu’il a dit sur les allemands, on découvre que dans un manuscrit de sa période de jeunesse il semble en effet avoir assimilé ‘les allemands’ au monde germanique. J’ajoute ici ce passage, non pas parce dans mon opinion il ait un poids spécifique dans le développement de la pensée de Hegel, mais simplement pour devancer le reproche que j’ai caché au lecteur quelquechose. Il se trouve dans son manuscrit sur:

La constitution de l’Allemagne (1802)

dont la préface [1/460-461] commence avec la fameuse phrase: “L’Allemagne a cessé d’être un état.”  […], et où Hegel continue en affirmant que: “On ne se dispute plus sur la question de savoir sous quel concept on peut ranger la constitution allemande. Ce qui ne peut plus être conçu, n’est plus.” […]

Dans le sixième chapitre (‘Le pouvoir des corporations’) du même manuscrit Hegel dit:

[1/532] "Le système de la représentation est le système de tous les états européen modernes. Il n’a pas existé dans les forêts de la Germanie, mais il est sorti d’eux; il fait époque dans histoire universelle. La continuité dans la formation de l’univers a, après le despotisme oriental et la dominance d’une république sur le monde, conduit le genre humain de la dégénérescence de cette dernière à ce milieu entre les deux, et les allemands sont le peuple, duquel est né cette troisième forme universelle de l’esprit.

Ce système ne s’est pas trouvé dans les forêts de la Germanie, car chaque nation doit avoir indépendamment parcouru ses propres étapes de la culture, avant qu’elle intervienne dans le contexte général du monde, et le principe qu’elle élève à l’universalité de la dominance ne naît qu’au moment où son propre principe s’applique au reste des affaires mondiales manquant de consistance. C’est ainsi que la liberté des peuples gemaniques, quand par leur conquêtes ils ont inondé le reste du monde, est nécessairement devenu un système de fiefs.

[…]

[1/535 f.] La représentation est si profondément liée au caractère de la constitution des fiefs en formation conjointement à la naissance d’un tiers état, qu’on peut parler d’une présomption niaise quand on la voit prendre pour une invention des temps modernes. Tous les états modernes existent par elle, et c’est seulement par sa dégénérescence, c’est-à-dire par la perte de son caractère même que la constitution de la France, mais non pas la France en tant qu’état, a été détruite. Elle est venue de l’Allemagne, mais c’est une loi suprême qui veut que le peuple duquel le monde a reçu une impulsion nouvelle et universelle, périt lui-même avant tous les autres peuples [c’est moi qui souligne, P.A.] et que son principe persiste, mais non pas lui-même."

Alors, même si l’on peut concéder à Marc Crépon qu’à un certain stade de l’évolution de sa pensée Hegel a identifié l’Allemagne avec les peuples germaniques, la question reste posée: Comment Crépon peut-t-il arriver à l’affirmation surprenante que selon Hegel “dans le monde moderne, l’Allemagne est effectivement en charge de l’Esprit du monde,” alors que pour Hegel c’est au contraire le pire des sorts qui a frappé l’Allemagne, à savoir que “l’Allemagne a cessé d’être un état,” et le peuple allemand, qui a donné au monde une impulsion nouvelle par le principe de la représentation, est désormais condamné par la force d’une loi suprême à périr lui-même avant tous les autres peuples?

Mais revenons à la façon dont Hegel conçoit la marche de l’Esprit à travers les siècles dans son quatrième stade, qui pour lui est celui des peuples germaniques. Au niveau du sens commun ou celui du point de vue géographique le monde musulman appartient, bien sûr, au monde oriental. Mais pour Hegel, dans les yeux duquel l’histoire du genre humain en tant qu’histoire commence en orient (qu’on lui pardonne qu’il ne savait encore rien des découvertes faites au XXe siècle qui montrent qu’elle a en fait commencé en Afrique, qu’on lui pardonne donc qu’il n’était pas un prophète et refusait de vouloir l’être), l’orient, c’est-à-dire l’Asie est le continent du despotisme. Dans ce sens Hegel disait par rapport au monde oriental et le monde grec et romain, les dernières ayant été des sociétés basées sur l’esclavage, qu’ils ne connaissaient pas la vraie liberté, précisément parce qu’un seul ou quelques uns seulement étaient libres. Or dans la vue de Hegel, dont le but de ses Leçons est de démontrer que Dieu est juste et que l’histoire est le progrès dans la conscience de la liberté, l’Islam (pour lequel par une erreur commise par beaucoup d’européens de son époque il emploie le terme mohammedanisme à l’instar du terme christianisme) représente un stade très avancé dans l’histoire, même s’il ne voit pas en lui le stade dernier. Hegel, comme il est loin de vouloir assimiler l’Islam au despotisme oriental, est donc contraint à l’intégrer malgré toute apparence au monde germanique tel qu’il le conçoit, c’est-à-dire comme une entité historique et spirituelle et non pas comme une entité géographique ou raciale. Voyons donc ce qu’il en dit dans ses Leçons :

12/427-8 Alors que […] l’occident commence à s’installer familièrement dans la contingence, l’enchevêtrement et la particularité, il fallait que la direction contraire apparaisse dans le monde pour l’intégration du tout, et ceci se produisait dans la révolution de l’orient, qui  écrasa toute particularité et toute dépendance et éclaircit et purifia les esprits complètement, en faisant de l’Unique abstrait l’Objet absolu ainsi que de la conscience subjective pure, de la connaissance de cet Unique la seule destination de la réalité, de l’incommensurabilité la relation de l’existence.

[…]

12/428-9 “Mais l’islam n’est pas cette immersion contemplative des indiens ou des moines dans l’absolu, la subjecitivité est ici au contraire vivante et infinie, une activité qui, en sortant dans le monde profane nie celui-ci et ne devient effective et médiatrice que dans l’affirmation qu’il faut exclusivement vénérer l’Unique. L’objet de l’islam est purement intellectuel, il ne tolère ni image ni représentation d’Allah: Mohammed est prophète, mais un être humain et en tant que tel n’est pas exempt des faiblesses humaines. Les principes de l’islam contiennent ceci, que dans la réalité rien ne peut devenir fixe, mais que tout part dans l’espace infini de l’univers de manière active et vivante, et c’est ainsi que la vénération de l’Unique reste le seul lien qui doit donner cohérence au tout. Dans cet espace, dans cette puissance disparaissent toutes les bornes, toute différence nationale et de caste;  aucune tribu, aucun droit politique de la naissance ou de la propriété n’ont une valeur sauf l’homme en tant que croyant. Vénérer l’Unique, croire en lui, jeûner, se défaire de la sensation corporelle de sa particularité, donner des aumônes, c’est-à-dire se sevrer de la propriété particulière: voilà les commandements simples: le plus grand mérite pourtant est de mourir pour la foi, et celui qui meurt pour elle en bataille, est sûr d’entrer au paradis.”

[…]

[12/431] “Jamais l’enthousiasme n’a accompli des exploits plus grands. Des individus peuvent se passionner pour le sublime dans des formes multiples ; même la passion d’un peuple pour son indépendance a encore un but précis ; mais l’enthousiasme abstrait qui par conséquence embrasse tout, n’est arrêté par rien, ne se limite en rien et n’a besoin de rien est celle de l’orient musulman.”

[…]

[12/433] “Pourtant l’orient lui-même, après que l’enthousiasme se soit dissipé peu à peu, est tombé dans la plus grande débauche, les passions les plus laides commençaient à dominer, et comme dans la première forme même de la doctrine musulmane la jouissance sensuelle se trouve déjà en tant que promesse d’une récompense au paradis, celle-ci remplaçait le fanatisme. Repoussé présentement à l’Asie et l’Afrique, et toléré dans un coin de l’Europe uniquement grâce à la jalousie des pouvoirs chrétiens, l’islam a disparu depuis longtemps du sol de l’histoire universelle et est rentré dans l’aisance et la tranquillité orientales.”

Mais comment Hegel établit-il la liaison entre le monde musulman et le monde germanique?

Eh bien, il s’appuie en le faisant sur des évènements historiques réels, à savoir les croisades. Hegel n’a pas passé sous silence le caractère cruel et barbare de ces entreprises, loin de là:

[12/469-70] "Les croisades ont commencé immédiatement en occident même, des milliers de juifs ont été massacrés et pillés, - et après ce début horrible le peuple chrétien se mit en route. Le moine Pierre l’ermite d’Amiens marchait en tête avec une effroyable foule de racaille. La file traversait la Hongrie dans le plus grand désordre, partout on volait et on pillait, et la foule elle même fut réduite de plus en plus, et très peu atteignaient Constantinople. Car il n’était pas question des principes de raison; la foule croyait que Dieu les guidait et les gardait. […]

Finalement des armées qui avaient été disciplinées par de grands efforts et sous des pertes énormes ont atteint leur but: elles se voient en possession de tous les lieux saints, de Béthlehème, Guethsémané, Golgotha, et même du sépulcre sacré. Dans toute cette affaire, dans toutes les actions des chrétiens se manifestait ce contraste épouvantable qui partout était présent, en ce que l’armée chrétienne passait des débauches et brutalités les plus abjectes à la contrition et à la soumission la plus profonde. Dégouttant encore du sang des habitants de Jérusalem qu’ils avaient massacrés, les chrétiens se prosternaient devant la tombe du sauveur et s’adressaient à lui avec des prières ferventes."

Mais après avoir pris note des actes d’atrocité commis par les hommes des croisades contre les arabes de Palestine, Hegel constate qu’en cours de ces guerres les chrétiens ont subi l’influence de la civilisation árabe, qui à cette époque était supérieure à la leur, et ont peu à peu assimilé leur mœurs et leurs connaissances. Ceci est aussi arrivé en Espagne, où les affrontements entre musulmans et chrétiens étaient chose courante pendant des siècles:

“Les espagnols, en alliance avec les chevaliers francs, entreprenaient souvent des campagnes contre les sarrasins, et c’est dans cette rencontre des chrétiens avec la chevalerie de l’orient et sa liberté et son indépendance complète de l’âme que les chrétiens ont fini par adapter cette liberté eux aussi.”

Et voilà le résultat des croisades en occident :

[12/433] “Dans la lutte avec les sarrasins la bravoure européenne s’est sublimée au degré d’une chevalerie belle et noble; les sciences et les connaissances, en particulier celles de la philosophie, sont venues des Arabes à l’occident; une poésie noble et une imagination libre ont été allumées auprès des peuples germaniques, et c’est ainsi que Goethe pour sa part s’est tourné vers l’orient et a fourni dans son Divan un collier de perles, qui de par son intimité et son imagination bienheureuse dépasse tout. -”

 On ne saurait pas assez souligner le mérite de Hegel d’avoir, suivant l’exemple de Herder et de Goethe, reconnu l’influence profonde que le monde islamique a pendant des siècles exercé sur l’Europe et la part énorme qui en conséquence lui est due dans le développement de la culture occidentale. Ce respect qu’il a porté à l’Islam est en contraste total avec l’esprit de chauvinisme pangermanique dont on accuse si souvent Hegel, mais qui en vérité n’a pris son essor que quarante ans après la mort du philosophe, c’est à dire avec la fondation du deuxième empire allemand par Bismarck. C’est à partir de cette époque-là seulement que l’idée a été inculquée aux allemands que les acquisitions de la civilisation grecque et romaine ont été transmises directement par les institutions de l’église chrétienne au monde européen moderne et aux allemands en particulier, en esquivant le fait que ce qu’on appelle en Europe la ‘renaissance’ était un mouvement indépendant et parfois même opposé à l’église, inspiré par contre par les acquis scientifiques et philosophiques du monde musulman, et que c’était ce dernier qui avait joué le rôle décisif dans la préservation de l’héritage intellectuel des anciens grecs et le développement des sciences modernes sur cette base.2

Mais Hegel est allé encore plus loin dans son opposition aux penchants chauvinistes et pangermaniques de ses compatriotes allemands, et cela en prenant une position contraire à la leur par rapport à la signification de l’œuvre de Goethe. L’affirmation que le plus grand poète allemand, Goethe, a été profondé­ment influencé par l’Islam, qu’il a même avoué publiquement qu’il “ne refuse pas le soupçon d’être lui-même un musulman”3 provoque de nos jours chez la plupart des allemands un étonnement comme si l’on parlait de l’influence qu’aurait exercé sur lui la lune où la planète mars. Car un allemand moyen d’aujourd’hui conçoit l’Islam comme un monde qui se trouve totalement au delà de son horizon. Comment? - s’écriera-t-il, notre plus grand poète un musulman? Dieu nous en préserve!

En effet, les efforts de Goethe visant à propager les connaissances sur l’Islam en Allemagne n’ont pas trouvé un écho dans le peuple allemand. Encore au début du XXe siècle on pouvait trouver des exemplaires de l’édition originale de son œuvre magistrale de sa vieillesse, son recueil de poèmes “Der West-östliche Divan” (“Le divan oriental du poète occidental”), invendus chez l’éditeur. Pour les chauvinistes allemands l’image d’un Goethe musulman ne concordait pas avec leurs efforts de l’ériger en héros national. Car comme au cours de la naissance du nationalisme allemand au début du 19e siècle on avait pris l’habitude d’identifier germanité et christianisme, on regardait ceux qui professaient d’autres croyances que la religion chrétienne avec méfiance. Pour convertir Goethe en un allemand modèle il fallait donc détourner le regard de tous les aspects de son œuvre qui ne s’accordaient pas avec cette idée préconçue d’une identité allemande. Hegel, par contre, n’était pas seulement un des rares intellectuels allemands qui déjà du vivant de Goethe a apprécié et s’est enthousiasmé pour son “Divan oriental-occidental.” Quand dans ses “Leçons sur l’esthétique” il traite la poésie de Goethe, Hegel est loin de présenter le plus grand poète allemand comme un modèle de la pensée, ou, si l’on veut, de la race germanique. C’est au contraire dans son chapitre sur la poésie musulmane qu’il parle de lui, le rangeant à côté des poètes soufis Hâfis et Roumi!

les points communs avec les deux soufis Hâfis et Roumi

Voilà les points communs avec ces deux poètes musulmans qu’il voit chez l’auteur du ‘Divan’:

"Goethe lui aussi dans sa maturité a été saisi par cette sérénité vaste et insouciante, et pénétré par le souffle de l’Orient, étant déjà un vieillard, il s’est tourné dans la ferveur poétique de son sang plein de félicité sans limites vers une liberté de l’émotion, qui même dans la polémique ne perd pas la plus belle désinvolture. Les chants de son Divan oriental-occidental ne sont ni des jeux, ni des gentillesses mondaines, mais elles sont précisément issues d’une telle sensation libre et dévouée. Dans un chant dédié à Souleikha il les appelle lui-même:

Des perles poétiques             Que le déferlement prodigieux             De ta passion             A jeté à la plage             Déserte de la vie.             Glanées gracieusement             Avec des doigts habiles,             Entrelacées avec des parures             De bijoux dorés,

prends-les, invite-t-il son amante

                        Prends-les à ton cou,                         À ta gorge!                         Les gouttes de pluie d’Allah,                         Mûries dans une coquille modeste.

Ce qu’il fallait pour produire de tels poèmes, c’était un esprit élargi à l’ampleur la plus vaste, sûr de lui-même dans toutes les tourmentes, il fallait une profondeur et jeunesse du coeur et…

            Un univers d’impulsions vitales                         Qui, sous la poussée de leur plénitude                         Pressentaient déjà des amours de Boulboul                         Le chant qui touche le profond de l’âme.

[^1] dont Bernard Bourgeois est d’ailleurs totalement innocent, derrière le dos duquel Crépon essaye de se cacher.


  1. Avertissement : Comme le mot ‘état’ a en français trois significations diverses, il faut à chaque fois où il apparaît dans une traduction d’un texte de Hegel voir à quelle expression en allemand il correspond: Zustand, à savoir l’état naturel ou situation, Staat, à savoir l’état comme institution politique et, tel qu’il est employé dans notre cas-ci, Stand, pluriel Stände, l’équivalent des castes, où il s’agit donc d’un vestige de la société médiévale dans la société bourgeoise. Ces castes étaient organisées en corps de métier ou corporations et étaient politiquement représentées au niveau du gouvernement du royaume de Württemberg en Allemagne du Sud, le pays duquel Hegel était originaire. Dans son article Hegel critique vivement ces corporations pour s’être opposées au projet d’une constitution moderne que le souverain du Württemberg, un duc allemand qui par l’empereur Napoléon, après l’invasion de l’Allemagne par les troupes napoléoniennes, avait été élevé au rang d’un roi, avait eu l’intention  d’octroyer à son pays.↩︎

  2. Dans un livre allemand standard sur l’histoire des mathématiques par exemple (Becker/Hofmann, Geschichte der Mathematik. Bonn, 1951) on peut trouver à la fin du chapitre sur les mathématiques grecques la constatation suivante: “Les grecs ne connaissaient pas encore le zéro.” Mais après ce chapitre, comme en effet les romains n’avaient en rien contribué au développe­ment des mathématiques, l’auteur fait un saut dans le temps et soudainement nous parle de Descartes, c’est-à-dire qu’il passe sous silence le développement des sciences de plus de seize siècles! La question qui se pose alors, puisque ce n’est pas Descartes qui l’a inventé: d’où nous est donc parvenu ce zéro mystérieux (‘sifr’ en árabe, de quoi les européens ont dérivé le mot zéfiro>zéro et le mot chiffre), d’où l’algèbre, d’où le logarithme, d’où la géométrie des sphères?↩︎

  3. Ankündigung Goethes zum West-östlichen Divan vom 3. Januar 1816. Voir le livre de Katharina Mommsen: Goethe und der Islam. Insel-Taschenbuch 2650, Frankfurt/Main 2001, page 11 et page 182.↩︎